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Mon beau jailoo

Les jailoo sont, à l'image des alpages de nos Alpes, des paradis fragiles qu'il convient de respecter. Sur les contreforts des montagnes kirghizes, ils représentent un magnifique espace de liberté où la pratique des activités en plein air ne connais pas de limites.
Pour les agriculteurs, c'est avant tout le lieu où ils font pâturer leur bétail. Les citadins venant de Bichkek ou du Kazakhstan, les jailoo sont des lieux dédiés au repos qui symbolisent une forme retour à la nature et une de vie paisible au grand air.
J'ai parcouru à plusieurs reprises les jailoo pittoresques situés entre les vallées de Jeti Oguz et Tchong Kyzyl Suu et je livre dans ce blog un récit de ce dernier séjour.
En route
À la gare routière de Bichkek, Samuel me glisse ces quelques derniers mots : « Le chauffeur te déposera à Svetlaya Polyana, où t’attendra Nuray. » Je suis entièrement rassuré : Samuel Maret et son équipe de Nomad’s Land organisent des séjours touristiques sur mesure depuis plus de vingt ans.
Svetlaya Polyana
Svetlaya Polyana, j’y suis déjà allé. C’est un paisible petit village de la rive sud du lac Issyk Kul (plus précisément dans le district de Jeti Oguz), niché au pied des alpages. Le rêve, pour moi qui espère passer une semaine au calme, loin de l’agitation de la ville.
Les six heures de route avalées, me voici arrivé à la guesthouse de Nuray et de sa famille. Je suis accueilli chaleureusement par son époux, Tilekmat, qui excelle dans l’art de créer des meubles en bois. Le père de Nuray, Jylekadar, ancien maire de la commune, est très actif dans le développement touristique de la région. Il y a aussi le petit dernier, Chynybay, qui, toujours coiffé d’un kalpak en feutre, se découvre une âme d’explorateur, impatient de partir à la conquête du vaste monde.
Une région à visiter
Les voyageurs qui s’intéressent au Kirghizistan connaissent Jeti Oguz, célèbre pour ses fameux « Sept Rochers Rouges ». Mais c’est tout le secteur compris entre la ville de Karakol et les localités de Barskon et Tossor qui présente une géologie spectaculaire. Dès que l’on s’éloigne des rives du lac, on découvre des paysages contrastés de forêts, de prairies et de collines ocres. Plus haut, ce sont des montagnes aux courbes plutôt douces, puis des hauts plateaux et des glaciers étincelants qui s’étendent à perte de vue.
La famille et la fête avant tout le reste
Revenons à Svetlaya Polyana. Ce petit village est adossé aux premières pentes, à mi-chemin entre les grandes vallées que sont Jeti Oguz et Chonk Kyzyl Suu. Lorsque j’arrive, Nuray m’avertit : « Nous n’aurons pas beaucoup de temps à te consacrer. De la famille vient nous voir et nous allons devoir préparer le bechbarmak. » Je sais très bien ce que cela signifie. Après avoir égorgé un mouton, les femmes vont consacrer une grosse journée à la préparation des repas, et ce, pour une bonne vingtaine de personnes. Nuray, qui tient à m’impliquer dans ces préparatifs, me propose de confectionner les traditionnelles saucisses au foie. Je me plie de bonne grâce à ce cours de cuisine locale.
L'amour des jailoo
Ce qui m’a attiré dans cette région, ce sont les jailoo, que l’on pourrait traduire par « pâturages d’altitude ». Dans mon esprit, les jailoo sont tout à la fois des fermes de montagne, des camps de yourtes et, bien sûr, un mode de vie semi-nomade qui les accompagne. Cette façon de remuer le bétail m’est familière. Elle ressemble aux estives que nous pratiquons encore parfois dans les Alpes. En même temps que le bétail, c’est tout ou partie de la famille qui se déplace avec tout ce qui sert à la vie quotidienne. Ici, les camps de yourtes accueillent les touristes, les randonneurs ou les vététistes de passage. Et c’est, pour moi, la plus agréable façon de passer quelques jours à la montagne.
Chong Kyzyl Suu
Ne tenant pas à participer à la fête qui s’annonce, je choisis de prendre un peu d’altitude et de me rendre à pied dans la vallée de Chong Kyzyl Suu. En cette fin de mai, l’herbe est encore très verte et les montagnes étincellent au soleil. Après quelques kilomètres sur la route poussiéreuse, je franchis une petite passerelle. Me voici au camp de yourtes de Nurlan. Je savoure seul cet instant, bercé par le grondement d'une rivière gonflée par la fonte des neiges. Lorsque Nurlan arrive, il me convie à boire le thé et, après avoir pris des nouvelles de son ami Samuel, il me conseille de me rendre aux sources d’eaux chaudes, situées plus haut dans la vallée, à une heure et demie de marche.
Les sources d’eaux chaudes de Chong Kyzyl Suu
Pour la petite histoire, j’y étais allé une quinzaine d’années plus tôt, en plein hiver, avec Samuel. À cette époque, nous avions poussé notre excursion jusqu’à l’ancien centre soviétique de géophysique. La route étant impraticable à cause de la neige abondante, nous avions décidé de poursuivre à cheval. Il me reste de cette expédition épique quelques photos et le souvenir d’un lieu hors du temps. Nous étions redescendus à ski sur la portion de la route la plus pentue, puis tractés par notre véhicule sur la partie basse de la vallée.
Les lieux ont bien changé depuis. De nouvelles constructions permettent aux hôtes de passer la nuit et un bassin extérieur a été aménagé. C’est là que j’ai fait la connaissance d’une joyeuse équipe de jeunes belges, conduits par Ike, brasseur et importateur d’une bière d’abbaye que je recommande.
Ak Tash
Le camp de Nurlan et Albina, nommé Ak Tash, est idéalement situé dans la vallée de Chong Kyzyl Suu. Il constitue un excellent point de départ pour de nombreuses randonnées. Les pistes menant aux alpages sont variées et offrent des dénivelés bien adaptés à la pratique du VTT. Nous en avions longuement discuté avec Samuel : les itinéraires restent encore peu référencés et insuffisamment balisés. C’est pourquoi nous apportons notre soutien à l’association locale de promotion du tourisme, afin de mieux structurer l’offre et d’accompagner les initiatives des acteurs du territoire.
L’accueil de Nurlan et d’Albina fait honneur à la tradition hospitalière kirghize. Le camp n'a pas encore pris sa vitesse de croisière estivale et la famille en profite pour faire quelques aménagements. Albina est une merveilleuses cuisinière et, au coucher du soleil, ses manti encore fumants me mettent l'eau à la bouche. Même si je suis le seul hôte, je suis soigné comme si j'étais un membre de la famille.
Des musées locaux pleins de trésors
De retour à Svetlaya Polyana, Nuray et Tilekmat ont décidé de me faire découvrir leur région dans ses moindres recoins. Et cela tombe bien : j’aime m’immerger dans la culture et l’histoire des lieux que je visite. Autour de Svetlaya Polyana, plusieurs musées locaux sont animés par des passionnés de patrimoine.
Nous commençons par le musée historique d’Orgochor. Situé non loin du village de Svetlaya Polyana, sur la route qui relie Chong Kyzyl Suu à Jeti Oguz, ce musée propose une muséographie de qualité. Il présente la généalogie régionale ainsi que le mode de vie traditionnel des populations locales. Au centre de la pièce principale trône une grande yourte richement décorée, véritable symbole de l’identité culturelle kirghize.
Autre musée sympathique, mais de conception plus ancienne, le petit musée ethnographique de Barakan, situé dans les bâtiments de l’école de Svetaya Polyana. Dans une autre aile du bâtiment, une exposition évoque la guerre contre l’Allemagne nazie.
Toujours guidé par Nuray et Tilekmat, nous prenons un peu d'altitude et pour nous rendre à Tchong Kyzyl Suu, dans la vallée du même nom. Ce petit village est charmant. Il est la porte d'entrée vers des jailoo situés plus hauts. Là, des habitants ont constitué un petit musée local pour honorer les personnalités ayant contribué au développement local. On y retrouve, comme bien souvent dans ces musées de villages, un petit parfum de nostalgie de l'époque soviétique, mais on y ressent surtout un sincère attachement à la culture montagnarde et semi-nomade toujours bien vivante.
Les artisan luthier, fabricants de kumuz
Le jour suivant, Nuray et Tilekmat m'ont préparé la plus belle des visites : celle de l'un des rares fabricants de kumuz. Yrys Ava nous accueille dans un atelier hors du temps où sont exposés de magnifiques instruments. Tous ont été fabriqués à la main, selon un savoir-faire ancestral. La lumière est belle, j'en profite pour photographier l'artisan et son épouse.
Comme de nombreuses familles, celle de Yrys possède de nombreux talents. L'une de leurs activités consiste à élever des abeilles. Pour l'heure (nous sommes fin mai), les ruches sont encore au village. Il va bientôt être temps de les déplacer dans les prairies d'altitude dont la floraison est déjà bien avancée.
Au Kirghizistan les visites ne peuvent pas se conclure sans avoir partagé le thé et les délicieux borsok au miel et à la crème.
Retour au jailoo de Siuttu Bulak
À mes yeux, cet alpage incarne le jailoo rêvé : quelques petites fermes, des roulottes d’où s’échappe un mince filet de fumée — promesse d’un bon repas en préparation. Quelques yourtes viennent compléter ce tableau pittoresque. Ce microcosme s’inscrit dans un paysage plutôt doux, composé de pâturages entourés de forêts de conifères. À l’arrière-plan, des sommets un peu plus élevés sont encore recouverts de neige. Siuttu Bulak illustre le jailoo idéal, avec son atmosphère paisible, troublée seulement par les appels des bergers rassemblant les troupeaux à l’approche de la fin de journée.
C'est, Jylekadar qui m'y conduit. Nuray et son fils Chynybay sont ne manqueraient pour rien au monde cette sortie à l'alpage. L'air y est délicieusement frais et l'atmosphère particulièrement claire. En montant, nous apercevons au loin la ligne bleue du lac Issyk Kul. En route, Jylekedar se confie sur la vision qu'il a du développement de sa région : "Avec les maires des communes voisines et l'Akim du district, nous pensons qu'il est possible d'avoir ici un tourisme durable et de qualité. Le lieu se prête si bien à la pratique de la randonnée, du vélo, et même du ski". J'approuve, étant moi-même venu avec des amis évaluer ces différentes possibilités. Pour l'heure, les populations locales s'organisent doucement pour améliorer les prestations aux touristes et faire porter leur voix auprès des autorités.
Mon séjour de quelques jours entre Jeti Oguz et Chong Kyzyl Suu touche à sa fin. Il s’agit sans doute de l’un de mes endroits favoris au Kirghizistan, et je ne saurais trop vous recommander d’y passer quelque temps.
Nomad's Land propose des expériences immersives, allant des plus sportives aux plus contemplatives. Si, comme moi, vous appréciez les balades aux dénivelés modérés, vous trouverez votre bonheur sur les routes d’alpages et les chemins de bergers. Ces itinéraires se prêtent parfaitement aux randonnées à VTT. Les amateurs de marche en montagne ou de trek pourront rejoindre les syrt, ces hauts plateaux aux étendues spectaculaires. En hiver, des itinéraires de ski de randonnée offrent des aventures hors des sentiers battus. Toute l’équipe de Nomad's Land est à votre écoute pour vous proposer un voyage unique et mémorable.
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